Babel, la chute des amorvores (Espace spéculatif. 2024)
- Kimetarx
- 4월 2일
- 5분 분량
Kimetarx, W. Ch. (2024). Bable, la chute des amorevores. Espace spéculatif, (0), 52‑57.
(without INTERPRÉTATION)
RÉCIT
Babel, la chute des amorvores
La tour de Babel, imposante, tournoie sous les cieux. Face au mur arrondi, orné d'images énigmatiques, l'architecte-fantôme pleure les amorvores : ceux-là mêmes qui ont savouré leur ultime amour en tant qu'animaux sur les hauteurs de la tour la nuit précédant leur ascension céleste. Les amorvores, qui ont laissé la dernière brique, le dernier bitume, et ont mangé leur amour sous le croissant de lune. L’architecte-fantôme verse des larmes pour les bêtes qui, sur cette tour maudite, dessinaient leurs voix en images avec des briques et du bitume.
Condoléances
Au faîte de Babel, le premier mot traduit par les bêtes, nul doute, fut « Dieu ». Les bêtes, jurant vengeance contre ce mot, tranchèrent le ciel de leurs briques acérées. S'agrippant aux lambeaux déchirés du firmament, les bêtes s'envolèrent vers l'infini, déterminées à « couper la langue de Dieu ».
De nouveaux vivants étaient jailli des bêtes restantes. Les femelles du haut plateau avaient fracassé les briques et avaient creusé des puits. Au sein de ces ténèbres, les hurlements lugubres s’étaient mués en berceuses. Les siècles avaient passé, et les puits s’étaient métamorphosés en un vaste gouffre, atteignant la terre de la cité.
Dans le vide béant, les nouveaux vivants posent leurs pas sur la terre pour la première fois, perçant d’étroits tunnels à travers les murs massifs de Babel, cherchant la fuite. Pendant ce temps, les femelles continuent à creuser vers les profondeurs, sculptant un abîme sans fin où elles chutent perpétuellement. Les hurlements déchirants de cet abîme attirent les nouveaux vivants, désormais humains, hors de la tour maudite. Pour survivre, chaque nouveau vivant inscrit sa propre langue sur les parois de Babel. Lorsque ces murs de langage sont achevés, la tour de Babel commence à tourner.
Fin

L'architecte-fantôme, plongé dans son deuil, est réveillé par la chienne sensualité. Porté par la puissance de la vie, il s'avance de lui-même dans le tunnel. Face à lui, deux voies se présentent : la catabase ou l'anabase. En gravissant, chaque fluide de son être s'évapore. L'abîme absorbe chaque goutte de son essence.
Plus léger désormais, l'architecte-fantôme atteint le plateau des amorvores. À cet endroit, l'immobilité est impossible. La rotation de Babel pourrait emporter l’architecte fantôme hors des tours. Il avance en sens inverse de la rotation de la tour, sur le bord du plateau. Pour éviter de tomber dans les cavités carrées, à chaque coin, il saisit avec délicatesse les lambeaux déchirés du ciel. Une main dans l'infini, un pied dans l'abîme, il bondit avec grâce. Dansant la vie entre l’abîme et l'infini, en opposition à la rotation des langues, l'architecte-fantôme chante les louanges de la chute des amorvores.
INTERPRÉTATION
Dans le mythe de la tour de Babel apparaissant dans la Genèse, le langage et l'architecture se rencontrent de manière métaphorique. La construction de la tour de Babel a été interrompue en raison de la malédiction de Dieu qui a entraîné la multiplication des langues. Cette tour inachevée est un symbole de l'imperfection de la civilisation.

Cette tour maudite était une source d'inspiration pour les artistes. S'appuyant sur leurs connaissances architecturales, les artistes qui ont imaginé cette tour l'ont représentée sous la forme d'un immense édifice avec un espace interne. Par exemple, dans la peinture de Pieter Brueghel l'Ancien en 1563, la tour de Babel est représentée comme un édifice composé de nombreux arcs, semblable au Colisée de Rome.
Le philosophe Hegel propose la tour de Babel comme archétype de l'architecture. Cependant, sa tour de Babel ne ressemble pas à un bâtiment. Dans son idéal architectural, il ne doit pas y avoir d'espace vide pour un but extrinsèque tel que « habiter » (Hegel, 1835/2003. p.36) : « Au milieu, raconte Hérodote qui avait encore vu cette œuvre colossale, se dressait une tour aux murs épais (non creuse, mais massive, un πὐργος στερὀς) » (Hollier, 1971, p.47).
Nous ne pouvons pas savoir si l'intérieur de la tour de Babel était plein ou vide. Cependant, la tour de Babel devant l'architecte-fantôme était un bâtiment avec un intérieur vide. Cette tour est clairement un édifice en forme de cône tronqué avec des tunnels permettant clairement l'accès à l'intérieur vide. Les images peintes sur le mur massifs pourraient probablement représenter les caractères des multiples langues, mais cela reste incertain.
À l'origine, la tour de Babel était un bloc massif sans intérieur vide. Les amorvores, qui étaient des êtres humains avant la malédiction divine, ont grimpé la pente attachée à l’extérieur de la tour et sont presque arrivés à l’infini. Cela aurait été bien s'ils avaient simplement achevé cette tour. Cependant, les amorvores voulaient avoir un dernier orgasme, en tant qu’animal parce qu'ils ne pourraient plus le ressentir s'ils devenaient comme des dieux. La volupté de la vie, qui réapparaît plus tard sous la forme de la chienne sensualité (Nietzsche, 1903/2020. De la chasteté), permet aux amorvores de concevoir que le fait d’« aimer et disparaître » ( Nietzsche, 1903/2020. De l’immaculée connaissance), c’est la même chose
L'abîme ou la Chose, das Ding (Lacan, 1986), c’est vers quoi l’âme de l’homme est attirée et qu'il veut éviter paradoxalement. Le mur, formé par l’espace est, en revanche, un objet de la civilisation qui établit un ordre des objets pour cacher la Chose (Ansaldi, 1998). Le mur des langues de la tour de Babel empêche les enfants humains d'entendre directement la voix de l'Abîme. Mais la grotte qu'ils ont construite pour s'échapper est toujours dans le mur de la langue. L'homme peut donc toujours être ramené dans l'abîme. Ainsi, les mots comme les objets tournent autour de la Chose, empêchant l'homme de s'approcher de l'abîme. La révolution de ces mots est une chaîne de signifiants linguistiques : c'est la rotation de la tour de Babel.

L'architecte-fantôme s'approche lui-même de la Chose au-delà de l’objet. L'architecte-fantôme franchit le mur du langage paternel pour se confronter à la Chose. Mais au lieu de chuter dans l'abîme, l'architecte-fantôme s'élève vers l'infini. Ce n'est pas une sorte d’ascension transcendante, mais une performance existentielle qu’il réalise avec sa propre chair. La danse de l’architecte-fantôme sur la tour de Babel est un art entre l'infini et l'abîme. Désormais, l’« abîme » parle et l'architecte-fantôme « danse sur toutes les choses » ( Nietzsche, 1903/2020. Le convalescent).
Ansaldi, J. (1998). La notion de Das Ding. Cairn.info. Dans Lire Lacan : L’éthique de la psychanalyse. Le Séminaire VII (p. 23‑32). Champ social. https://www.cairn.info/lire-lacan-l-ethique-de-la-psychanalyse-le-seminai--9782913376007-p-23.htm
Lacan, J. (1986). Le Séminaire. Livre 7, L’éthique de la psychanalyse. Seuil.
Nietzsche, F. (2020). Ainsi parlait Zarathoustra (l’édition de la Société du Mercure de France : Édition numérique Arvensa).



Kommentare