Identifier l'espace archtiectural
- Kimetarx
- 4월 2일
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Kimetarx, W. Ch. (2020). Identifier l’espace architectural.
INTRODUCTION
Perte du lieu
Depuis les temps modernes, l`architecture a perdu le lieu. Cette perte a été liée à une déchéance du sacré. Le lieu dans les discours architecturaux a disparu alors que le monde a perdu son sens du sacré lors du modernisme. La perte du lieu, dans l’édification architecturale, est causée par une domination du fonctionnalisme suivi du rationalisme. Ce sont les modalités idéologiques d’une émergence architecturale du modernisme. Le fonctionnalisme a substitué les activités humaines à une fonction rationalisée et le rationalisme est devenu responsable de la production d’un espace qui rend possible le fonctionnement de cette fonction. Le rationalisme fonctionnel a cherché à réaliser des espaces fonctionnels dans l'architecture afin de garantir la modernité architecturale. Pour ce projet, les architectes modernistes ont rejeté les éléments architecturaux qui n'étaient pas rationnels à leurs yeux. Par exemple, en déclarant que « l’ornement est un crime », Adolf Loos, architecte viennois, a établi une éthique moderniste de l'architecture fonctionnelle (1908/1920). Par ailleurs, en définissant qu’« une maison est une machine à habiter » (1925, p. 219), Le Corbusier a tenté d'établir rationnellement une modernité architecturale qui est libre de la lieuìté, Placeness.
Architecture rationaliste et lieu
L’architecture rationaliste a redouté le lieu à cause de sa polyvalence. Selon Heidegger, le lieu dont un attribut essentiel est le divin rend possible l’habitat humain (Han, 2012, p. 63). À cause de cette polyvalence, humaine et divine, le lieu n’était pas compatible avec la fonctionnalité en architecture. Les actes religieux faits dans des lieux sacrés ne pouvaient être traduits en fonctions. Tout comme les gens modernes qui ont échappé au royaume obscur de Dieu et sont allés dans l’état des lumières de la Raison, l'architecture fonctionnaliste-rationaliste a préféré la transparence radieuse (Rowe et Slutzky. p. 16). Avec le lieu, elle ne pouvait pas produire ce qui est transparent, par exemple, l’espace, car le lieu est empreint d’une opacité non-rationnelle comme les dieux, les âmes, les génies, etc. Dans le lieu, on trouve des mythes et des croyances qui ne peuvent être connus par une approche générale des humains. Pour leur idéal architectural, les rationalistes rêvaient d’un territoire homogène sans lieux disparates de la réminiscence divine et de la mémoire humaine. Ils ont activement détourné, rejeté, expulsé ou éradiqué les lieux dans le discours architectural. Ils se sont débarrassé des lieux polyvalents et hétérogènes moyennant la fonctionnalité ou ils les ont dissimulés si le dégagement n’était pas possible. Les places des lieux ont été vidées. L'architecture rationaliste a comblé ces vides avec ses espaces transparents.
Espace architectural
Cet essai veut identifier l'espace architectural qui est le produit du rationalisme-fonctionnalisme en architecture. À l'origine, l'espace n'était pas un thème de l’architecture, mais un sujet métaphysique. L’usage originel du terme technique de l’« espace » se trouve dans l’esthétique moderne. Dans son livre L'essence de la création architecturale, August Schmarsow, historien de l’art, a identifié l’architecture en tant que créatrice de l’espace. Puis des historiens de l'art en Allemagne tels qu'Adolf von Hildebrand, Gofried Semper et Alois Riegl ont décrit l'architecture en se référant au concept de l'espace. En conséquence, l'architecture est devenue l'art de l'espace étant approuvé métaphysiquement. Les théories d’architecture du début de 20ème siècle ont été basées sur le concept de l'espace. Dans le mouvement De Stijl ou Bauhaus, les théories modernistes en architecture ont développé une logique productive d’un espace abstrait pour l'architecture rationaliste. Alors, les théories modernistes dans l'histoire de l'architecture ont revu ce concept de l’espace, les bâtiments existants qui étaient construits sans notion de l’espace architectural. Ces rationalistes croyaient que, par le moyen de l’espace, on peut concrétiser architecturalement l’esprit moderne, mais ce n’était qu’un songe creux. Dès l’apparition du postmodernisme, l’architecture moderne a commencé à décliner à cause de vives critiques : « L’architecture rationaliste n’est pas rationnelle et l’architecture fonctionnaliste n’est pas fonctionnelle. ». Par exemple, l’architecture internationale basée sur l’universalité a été critiquée par l’architecture du régionalisme; l’architecture puriste basée sur la rationalité par l’architecture hybride; l'architecture dogmatique basée sur le patriarcat par l’architecture du divertissement. Malheureusement, malgré son criticisme, l'architecture postmoderne n’a pas accusé l'espace architectural. L’espace restait toujours comme un élément essentiel de l’architecture.
Problématique
Les effets pernicieux causés par la prédilection pour l'espace deviennent évidents lorsqu’il y a une liaison entre l'architecture et d’autres théories comme la sociologie, la politique, la philosophie, l’étude féministe, etc. Souvent, on rencontre un problème quand les autres disciplines se mettent une relation avec l'architecture. Par exemple, lorsque les théories de la sexualité ou du genre interviennent dans les théories architecturales, la plupart d’entre elles déploient leurs idées en se mettant en rapport qu’avec l'espace architectural. Par exemple, dans This Space Has (A) Sex de Betsky Aaron, Gender Space Architecture de Jane Borden (ed), Sexuality and Space de Beatriz Colomina et Space, time and perversion d'Elizabethe Grosz, les théoriciens ancrent leurs idées dans le concept de l'espace architectural, car ils ne sont pas suffisamment conscients de la prédilection pour l’espace architectural. Ce problème n’a pas été étudié dans les théories d’architecture. Avant tout, ici, le problème majeur est l’absence de la corporalité. Au moment où le concept de l’espace a été introduit dans l’architecture, c’était une notion métaphysique. Malgré cette caractéristique abstraite, ce concept était passionnément attirant pour les architectes modernistes munis d’un nouvel esprit moderne. Alors, on peut deviner la raison pour laquelle le corps ne fut pas apprécié en architecture et soit devenu un simple matériel de mesure pour la fonction, comme le Modulor de Le Corbusier. En effet, les théories de la sexualité ou du genre rencontrent une difficulté d’approfondissement de leurs idées dans l’architecture, car l’espace est incompatible avec le corps et ses désirs.
Cet essai, étude préliminaire sur le thème de « Perte de lieu », a pour objectif d’identifier l'espace architectural. Basé sur une pensée que le lieu, où les humains et les dieux coexistaient, (Han, 2012, p. 63) est devenu un espace réservé exclusivement aux humains, on met en évidence la perte du sacré en abordant des concepts de profanation et de profanisation dans le chapitre 1. On comparera, dans le chapitre suivant, le temple et le musée pour définir le lieu profané et le lieu profanisé. Dans le chapitre 3, on analysera, basé sur l'ambiguïté ambivalente de la profanation, le lieu profané par rapport au rite totémique. Dans le dernier chapitre, en s’appuyant sur le concept de la profanisation rationaliste, on identifiera l'espace architectural.
PROFANATION ET PROFANISATION
Sacré et transgression
Chaque culture a son propre lieu sacré. C’est une aire isolée de la vie quotidienne. Elle peut être une zone particulière ou un sanctuaire dans un temple. On pense que le sacré réside dans le lieu sacré où la relique est enchâssée. Selon Agamben, l’isolement est une caractéristique essentielle du sacré: « Les choses qui, d’une manière ou d’une autre, appartiennent aux dieux étaient sacrées ou religieuses. Comme telles, elles se voyaient soustraites au libre usage ». Le sacré et son lieu sont réservés exclusivement « aux dieux du ciel ou à ceux des enfers » (Agamben. paragr. 1). Dans presque toutes les cultures, l'accès au lieu sacré est interdit. Dans son livre la forme élémentaire de la vie religieuse - le système totémique en Australie, Émile Durkheim définit le principe de la force sacrée comme « mana » et sa représentation comme « totem » (Livre II, p. 187). Un objet sur lequel le totem est dessiné ou gravé sous la forme symbolique est une relique totémique. De même, un lieu où cette relique est enchâssée est le lieu sacré. Dans la plupart des religions, y compris le totémisme, il est interdit d'entrer dans leurs lieux sacrés ou de toucher leurs objets sacrés. Passer à l’aire du sacré est tabou. Afin de rendre possible une traversée, l’homme doit passer par un pénible processus spécial. Par exemple, l’initiation, la résurrection ou la transformation holistique. Si on entre en contact avec le sacré sans passer par un processus transgressif, on fait face à la mort ainsi le sacré sera dégénéré. Selon la modalité de la violation et des conséquences de détérioration, on classifie la dégénérescence en sacrilège, sécularisation, profanation et profanisation. Pour cet essai, on ne traite que de la profanation et de la profanisation.
Mécanisme de la profanation
Par la profanation, le sacré isolé est rendu généralement disponible (Agamben. paragr. 1). Il est tout de même nécessaire de noter que l’usage général d'Agamben a un sens de devoir politique. La profanation émane de la volonté de « Falloir utiliser le sacré de nouvelle manière ». Le sacré est distinct du monde mondain. Lorsque cette distinction est socialisée par un rite exécuté par une communauté de croyance, c’est la religion faite de croyance, de rite et de communauté. Selon Durkheim, le rite est exécuté dans le but de réaliser l’état essentiel de séparation entre le sacré et le profane (p. 292). Par contre, Agamben insiste sur un nouvel usage différent de l'usage rituel. Ici, le nouvel usage c’est l’utilisation générale du sacré à l’aide de la capacité profanatrice. Dans son « éloge de profanation », pour expliquer le mécanisme de profanation, il donne un exemple de l’activité langagière pour la communication. Malheureusement, Agamben ne révèle pas spécifiquement en quoi consiste un nouvel usage profané de cette activité. Il insiste simplement pour trouver une nouvelle activité langagière pour la communication.
Cependant, par cet exemple, Agamben montre clairement comment la profanation a échoué. Les hommes utilisent la langue pour communiquer. L'activité langagière est un moyen de communication. Agamben soutient que cette activité langagière doit être profanée parce que le lien original de « communication-activité langagière » a été rompu. À l’origine, il y a le couple « communication-activité langagière », c’est « l’activité langagière qui a été séparée du couple et est devenue un moyen conceptuellement pur. « Si ce moyen pur est profané, il pourra devenir un nouvel usage. Par contre, « l’activité langagière » ne peut être profanée à cause du système de l’idéologie dominante comme le nationalisme, le capitalisme, le patriarcat, etc. Agamben nomme cette attaque idéologique « dispositif de capture ». Il s’agit d’« un dispositif pour capturer les moyens purs » (Agamben. paragr. 20) pour rendre une profanation impossible. Pour cet exemple, le dispositif est la propagande. Elle capture le moyen pur et le dépose dans une sphère séparée qui s’appelle le spectacle pour perturber la communication. La sphère séparée est une zone où le moyen pur est interverti en ce qui convient aux goûts idéologiques. Enfin, l'activité langagière devient le spectacle. Les hommes exposés au langage falsifié du spectacle perdent leur capacité de communiquer. Par exemple, les Allemands sous le régime nazi ont été endoctrinés unilatéralement par la propagande politique et ils ont pensé en langue nazie. Pareillement, les hommes de l’époque du capitalisme tardif pensent qu’ils communiquent avec les autres via les médias sociaux, mais ce n’est qu’une illusion. Ils s’exposent à eux-mêmes en tant que spectacle sur les médias sociaux. On a perdu, par profanisation, le but de l'activité verbale de langue
Éloge de la profanation
Au lieu de rétablir la relation originelle entre le but et le moyen pur capturé, Agamben cherche un nouvel usage différent de l’usage traditionnel à l’aide de la profanation. Il trouve un indice d’un nouvel usage dans le jeu. Le jeu est originaire de la sphère du sacré. Selon Émile Benveniste, le sacré a été socialisé sous deux formes. L'un est mythe qui raconte une histoire, et l'autre est rite qui représente l'histoire en la mettant en scène (Agamben. paragr. 6). Le mythe et les rites sont utilisés pour contenir, préserver et reproduire le sacré. Si on revoit l’exemple de l’activité langagière nazie, on peut comprendre comment le mythe et le rite ont été capturés et disposés, ainsi qu’utilisés de manière inappropriée: le mythe et le rite ont été emprisonnés dans une zone spéciale de la « Nation » par le dispositif de capture national-socialiste; avec le slogan mythique « La race aryenne est suprême! », la nation aryenne était considérée comme sacrée; avec la parade nazie, le rite politique qui célèbre le sacré de son propre peuple, les Allemands ont expérimenté religieusement le caractère sacré du nazisme.
Agamben rejette ce type d’usage inapproprié du mythe et du rite. Il explore de nouvelles possibilités à travers le jeu en tant qu'institution profanatrice. Le jeu rompt les relations originales entre le sacré et le mythe et entre le sacré et le rite. Si une activité dépouille le mythe et préserve le rite, elle devient un jeu comme ludus. En revanche, si une activité efface le rite et ne préserve que le mythe, elle devient un jeu de mots, jocus (Agamben. paragr. 6). Le premier libère les hommes de l'obligation de respecter les rites religieux. Par ce dernier, les hommes sont libérés des chantages mythologiques tels que pouvoir être puni pour un blasphème. Ce qui est important c’est que la condition de cette liberté ne soit pas une élimination du sacré. Que ce soit ludus ou Jocus, le jeu garde la relation avec le sacré. Le jeu est un bon exemple concret de la profanation liée au sacré. Dans le jeu, non seulement le caractère sacré religieux, mais aussi le caractère sacré politique, comme l'État, la guerre et la loi, deviennent des jouets pour enfants. Les enfants rejettent ces sacrés idéologisés et les transforment en éléments de jeu. Agamben décrit le jeu comme profanateur d’« une nouvelle dimension de l’usage que les philosophes et les enfants livrent à l’humanité » (paragr. 7).
Profanisation
Selon Tillich, la profanisation est « l'action par laquelle le sacré est tout simplement évacué, vidé de son contenu, de sa valeur propre » (p. 24). Cela coïncide avec la définition de la profanisation de Han Byung-Chul: « la profanisation s’accomplit sous forme d’une déritualisation et d’une désacralisation » (p. 65). Malgré le fait qu’il n’y a pas de mention sur la profanisation dans « Éloge de la profanation » par Agamben, on remarque que le processus par lequel le moyen pur est capturé et disposé dans la zone spéciale, et est enfin devenue un but par l’interversion, n’est pas différent que la profanisation de Tillich ou de Han. Agamben montre spécifiquement ce processus de profanisation par l’exemple d’une capture capitaliste. L'ordre franciscain au 13ème siècle, à la recherche de la pauvreté la plus haute, cherchait à rejeter tous les types de propriété, y compris les vêtements et la nourriture, dans la vie quotidienne. Pour cet objectif, ils ont inventé une notion d'« usage de fait, usus facti », pour nier la propriété. C'était l’idée d'« utiliser, mais de ne pas posséder ». À l'opposé, le Pape Jean XXIII a promulgué sa bulle Ad conitorem canonum pour refuser la possibilité de l’usage des objets de consommation sans possession (Agamben. paragr. 21). Sur cette anecdote, Agamben dit que le Pape Jean XXIII a involontairement fourni un paradigme de « l’impossibilité de l’usage » qui sera complété dans la société de consommation des siècles plus tard. L'ordre franciscain a cherché à séparer la propriété du couple « objet-propriété ». Au lieu de posséder l'objet, ils voulaient l'utiliser. À vrai dire, ils ont essayé de former un « objet-usage » en abolissant l’objet-propriété, mais cet essai de profanation a été bloqué par l’ordre canonique.
La tentative profanatrice est encore frustrante aujourd'hui. La propriété séparée de l'objet-propriété est capturée par un dispositif capitaliste. La propriété, comme moyen capturé, est placée dans la sphère spéciale: la « consommation ». Enfin, la propriété en tant que moyen est intervertie et devient un but. Avec ce renversement de l’ordre, la possession des objets devient un droit légitime et aussi un devoir dans le capitalisme, c’est pour cela que tout est interprété, occupé et planifié à travers le but de la possession. Ce « tout » est un « improfanable » qui est formé par la profanisation. Le désir capitaliste de tout posséder s'accomplit au nom de la consommation. À partir de cet exemple, on apprend que le processus de « capturer-disposer-intervertir » n'est pas différent de la profanisation.
PROFANISATION CAPITALISTE
Rite religieux et rite capitaliste
La religion est constituée de croyance, de culte et de communauté (Durkheim. p. 16). On pense que certains buts religieux sont réalisés par les rites culturels des communautés. Par le rite culturel, les humains s’approchent du sacré. Pendant le rite, ils quittent leur vie quotidienne et restent dans un espace-temps exaltant où le sacré se manifeste. Selon Eliade, l'homogénéité de l'espace quotidien est rompue en raison de la spécificité du domaine rituel (p. 25). Dans cet espace brisé, les hommes peuvent s'approcher du sacré. Le rite rompt également l'homogénéité temporelle (p. 63). Le temps sacré est un moment où des événements sacrés tels que la création divine ou la manifestation divine se reproduisent.
Walter Benjamin considère le capitalisme comme un phénomène religieux. Pour lui, le capitalisme est un développement parasitaire du christianisme. Cependant on ne trouve pas une croyance au sacré dans cette religion. Le capitalisme est une religion de rites extrêmes et absolus. C’est la religion « de la célébration d’un culte sans jour ouvrable et de culte culpabilisant » (Benjamin. p. 35). Benjamin remarque, dans le capitalisme en tant que religion de culte, une absence du sacré: « Une monstrueuse conscience coupable qui ignore la rédemption se transforme en culte, non pas pour expier sa faute, mais pour la rendre universelle … et pour finir par prendre Dieu lui-même dans la faute… Dieu n’est pas mort, mais il a été incorporé dans le destin de l’homme » (Benjamin. p. 35).
Le capitalisme sans le sacré est la religion profanisée. Le capitalisme produit efficacement et effectivement l’improfanable et anéantit la volonté de profanation en capturant, disposant et intervertissant les moyens purs.
Le capitalisme en tant que religion est dérivé du christianisme (Benjamin. p. 36) en particulier du protestantisme. Benjamin explique la profanisation capitaliste sous l’angle du salut par l’expiation qui est le but religieux du christianisme. Pour atteindre leur but, les chrétiens exécutent des rites chrétiens. Le processus de profanisation du couple « salut-rite » est le suivant: le dispositif de capture capitaliste capte le rite culturel; ce moyen capturé est disposé dans une sphère distincte qui s’appelle la généralisation ou l’universalisation de la divinité. Cette généralisation universelle est principalement liée à la théologie et à l'éthique du protestantisme, tel que le sacerdoce universel, la théophanie dans la vie quotidienne chrétienne le travail comme la pratique de la vie protestante, la divinité coexistant dans la conscience, etc. Max Weber voyait cet esprit protestant qui allie travail et croyance, la vocation, comme la semence du capitalisme moderne (p. 45). La combinaison du protestantisme et du capitalisme a permis d'unir travail et rite culturel. Cette unité a rendu possible un rite permanent du capitalisme. Maintenant, il n'y a aucune distinction entre l’espace-temps sacré et le monde quotidien. À savoir, le rite religieux s'approchant du divin perd son sens, et il ne reste que la pratique rituelle dans la vie quotidienne, c’est-à-dire, le travail en tant que vocation. Voici, c'est le capitalisme en tant que religion rituelle extrême et absolue. Dans le capitalisme, le salut par l'expiation n'a plus de sens. Le christianisme pleure la mort du Fils de Dieu. Cette religion rend les gens coupables de sa mort et i demandent le rite d’expiation. Dans le capitalisme en tant que religion, d'autre part, puisque Dieu était incorporé dans le destin humain, l'homme n'a pas besoin d’être coupable de sa mort. Tout comme l'expiation et le salut ont perdu leur sens, les sentiments de péché et de culpabilité sont également insignifiants.
La profanisation capitaliste
La profanisation capitaliste produit l’improfanable, impossibilité absolue d’un usage. Selon Agamben, la séparation est l’agent principal de cette production: « Nous pourrons dire ainsi que le capitalisme, en poussant à l’extrême une tendance déjà présente dans le christianisme, généralise et absolutise en tout la structure de séparation qui définit la religion. Là où le sacrifice marquait le passage du profane au sacré et du sacré au profane, on trouve désormais un procès incessant de séparation unique et multiforme, qui investit chaque chose, chaque lieu, chaque activité humaine pour la séparer d’elle-même et qui emporte avec indifférence la césure sacré/profane, divin/humain. » (Agamben. paragr. 15). Agamben n’emploie pas le terme technique de « profanisation ». Cependant sa profanation absolue équivaut exactement à la profanisation.
La distinction entre sacré et profane est rendue possible par la séparation en l’isolant du sacré. La séparation est un moyen de distinction « sacré/profane ». Par la séparation, le sacré peut exister dans le monde mondain. Lorsque cette séparation, comme moyen, est profanée, l’« isolement du sacré» devient une « transition vers le sacré ». La transition est un nouvel usage de la séparation de sacré/profane. Malheureusement, cette séparation est capturée par le dispositif capitaliste et déposée dans la sphère spéciale de la consommation. Enfin, la séparation est intervertie, et elle-même devient le but capitaliste. En conséquence, tous les objets sont cooptés de ce système de séparation, et se séparent eux-mêmes à la fin de la séparation. Alors, un objet perd son unité et se sépare en plusieurs fragments. On peut définir cette forme de séparation fragmentaire de l’objet comme « valeurs ». Les valeurs orbitent autour des nouvelles faces de l'objet de consommation qui est : la marchandise. Avec la profanisation capitaliste, la marchandise a la potentialité de devenir un fétiche capitaliste dans lequel la séparation est inhérente. La marchandise en tant que fétiche est le profanisé capitaliste.
Valeur d’exposition
La valeur est une forme séparatrice de la marchandise. « Et tout comme dans la marchandise, la séparation fait partie de la forme même de l’objet qui se scinde en valeur d’usage et en valeur d’échange pour se transformer en un fétiche insaisissable » (Agamben. paragr. 15). Les marchandises elles-mêmes ne sont ni utilisées ni échangées. Seules les valeurs sur les faces de la marchandise valident son existence. D’ailleurs, certaines valeurs elles-mêmes quittent la marchandise: la valeur d'échange est absorbée dans la monnaie; la valeur d'usage est devenue la consommation par interversion. C’est pourquoi il est de plus en plus difficile à valider la marchandise en tant qu’objet par les valeurs d'usage et d’échange. Au contraire, la marchandise révèle bien son caractère de profanisation par la valeur d'exposition. En général, ce qui est profanisé a une valeur d’exposition. « Ce qui ne peut plus être utilisé est livré comme tel à la consommation ou à l’exhibition spectaculaire » (Agamben. paragr. 15). Il veut dire l’impossibilité du profanable par la profanisation: une marchandise est capturée par le dispositif capitaliste; déposée dans le domaine de consommation; devenue un fétiche ayant la spectacularité. Agamben est entièrement d'accord avec l’idée de Benjamin selon laquelle la marchandise n'a de valeur en soi que si elle est exposée. La marchandise n’est pas simplement présentée à la vente. La marchandise, en tant que fétiche, suscite à l'infini le désir irréalisable de possession. Le profanisé entouré des valeurs d’exposition montre clairement l'impossibilité de profanation de l’« objet-usage ».
TEMPLE ET MUSÉE
Musée moderne
Si le Shopping Mall est le palais du capitalisme, le musée est le temple du modernisme. Lorsque le musée est apparu dans l’histoire, c'était sous la forme de galerie d'art. Le musée est né au début de l’époque moderne avec le concept des beaux-arts qui le distinguait de l'artisanat. Ce concept a été inventé par Charles Batteux au milieu du 18ème siècle pour faire référence à l'art en général: poésie, peinture, sculpture, architecture, danse, musique et art oratoire. Plus tard, à partir du 19ème siècle, il en vint à désigner principalement les arts visuels. Dans le concept des beaux-arts, on voit que la beauté a été érigée en principe indépendant dans le monde moderne. De même que l'architecture a assuré son identité moderne par la garantie de l'espace, les beaux-arts ont également assuré leur identité par la beauté. Toutefois, les beaux-arts influencent plus profondément la formation de Modernité que l’architecture, car la beauté est liée aux aspirations au beau du protagoniste moderne, la classe bourgeoise. À une époque où l'expérience religieuse devenait presque impossible, la bourgeoisie cherchait à recevoir des récompenses morales par l'expérience esthétique pour l'esprit dévasté par des désirs matériels. Le musée n'est pas seulement un espace d'exposition. Il abrite l'essence du modernisme. Parce que le Musée se substitue au Temple qui représente le mythe religieux. Le Musée est une institution moderne en tant que moyen à des fins d'expérience esthétique.
Musée moderniste
Le musée d’aujourd’hui n’est pas seulement un lieu d’exhibition pour des objets, mais est aussi le lieu qui montre l'impossibilité de l’usage de l’objet. La valeur de l’exposition de l’objet du musée est plus évidente que les marchandises exposées dans les Shopping Malls, vu que, contrairement à la marchandise qui a des valeurs d'usage, d'échange et d’exposition, l’objet exposé dans le musée n'a qu’une valeur d'exposition. Il montre l'impossibilité d'usage qui « trouve son lieu d’élection dans le Musée » (Agamben. paragr. 18). À vrai dire, le musée est une institution vouée à l'exposition des objets profanisés. Dans le Musée, on n’est pas autorisé à utiliser les objets exposés. Les visiteurs se déplacent autour de ces objets, mais ils ne peuvent pas rester là à la manière de « habiter ». Dans un endroit où on ne peut utiliser et où on ne peut habiter un moment, les gens ne peuvent rien vivre. Même si les visiteurs peuvent participer à toutes ces activités artistiques pour des exhibitions, une véritable expérience est impossible. En effet, leur participation n'est qu'un matériel d’intervention pour l'exposition. Les participants le savent trop bien, ils ne peuvent donc pas vivre entièrement cette activité. À cet égard, le Musée montre l'impossibilité d'utiliser, d’habiter et de vivre (Agamben. paragr. 17). En raison de cette impossibilité, les objets et activités exposés peuvent être caractérisés comme profanisés. Le Musée est une véritable institution qui garantit l’impossibilité d'usage.
Temple et Musée
Le Musée est le temple profanisé. Les pèlerins qui vont de temple en temple participent à des rites culturels au temple. Ils se rapprochent du sacré dans un endroit séparé à un moment spécial. Lorsque le temps exaltant se termine et qu'ils quittent ce lieu différencié, ils partent en voyage comme des étrangers. C’est le pèlerinage pour aller dans un autre temple. La raison pour laquelle ils sont étrangers est que leur patrie est au ciel (Agamben. paragr. 18) et aussi dans l’au-delà. Les temples sont leurs ambassades dans le monde. Dans le temple, il y a un saint des saints isolé, le lieu très sacré, auquel les pèlerins n'ont pas accès. Le lieu sacré est une aire opaque du monde humain. C’est le lieu isolé où l'histoire humaine ne peut pas être gravée. Le lieu sacré, fanum, est l'endroit où habite le sacré, sacrum.
Les gens modernes allant de musée en musée participent également aux rites culturels. À la différence du rite religieux, leur participation est possible à tout moment, n'importe où. D'un musée à l'autre, ils font du tourisme. La raison pour laquelle leur tournée devient du tourisme c’est à cause de la muséification du monde, qui « est aujourd’hui achevée. L’une après l’autre, progressivement, les puissances spirituelles qui définissaient l’existence des hommes se sont retirées docilement dans le Musée » (Agamben. paragr. 18). Le monde muséifié est une destination touristique. Les bâtiments, les parcs, les centres-villes, ainsi que les communautés, les groupes, etc. deviennent des sites ou institutions touristiques pour des exhibitions sans expérience. Ce tourisme moderne est possible dans un espace-temps universel. Sans avoir conscience d'eux-mêmes, « les touristes célèbrent sur leur personne un acte sacrificiel : l’expérience angoissante de la destruction de tout usage possible. » (Agamben. paragr. 19) parce qu'ils ne peuvent voir que la forme de la séparation, en particulier la forme profanisé ayant seule la valeur d'exposition, et visiter le lieu profanisé inhabitable, non-lieu.
Exposition
La forme de présentation muséographique laisse paraître la profanisation architecturale. À cette fin, on compare le Temple au Musée. Pour trouver la relation binaire entre le sacré et le profane, on compare la forme d’exposition muséographique et la planification architecturale du Temple. On suppose que les objets exposés dans le Musée étaient autrefois des reliques. Il y a un objet exposé dans le Musée. Cet objet est exhibé devant le public, mais séparé d'eux. Cette séparation est rendue possible par la vitrine. Dans cette boîte transparente, il y a l’ex-relique qui est devenue l’objet exposé par la profanisation qui enclenche le processus de capturer-disposer-intervertir. Par la profanisation, comme le Temple est devenu le Musée (Agamben. paragr. 19), l’objet sacré est devenu l’objet exposé. Ici, on peut facilement voir que le lieu sacré où l’objet sacré est enchâssé et le socle dans la vitrine se correspondent formellement. En effet, les deux sont pour les objets séparés. Logiquement, on postule que le socle dans la vitrine est un profanisé du lieu sacré. « Objet exposé - socle - Musée » est un homologue profanisé de « relique - lieu sacré - Temple ».
Objets exposés
L’objet exposé est un objet de spectacle. Il n'a aucune valeur d'usage ou d'échange. Auparavant, il était invisible et intouchable parce que cette ex-relique était isolée dans le domaine du sacré. Maintenant, il est exposé dans le Musée ou le monde muséifié. L’objet exposé est séparé du public, mais il n’est sûrement pas isolé. Ils sont entièrement et toujours exposés au regard du spectateur-touriste. Les objets exposés sont pleins de valeurs d'exposition. Cette ex-relique a perdu sa valeur sacrée. L’objet complètement exposé ne garde aucun mystère qui a une valence fantasmatique. Par la profanisation, un objet dans la sphère opaque est forcé de se déplacer à l’étendue transparente de la quotidienneté universelle. Ainsi, l’objet exposé dans la boîte en verre a perdu son visage mystérieux. Les visiteurs ne peuvent regarder que les faces exhibées (Han. 2016. p. 18). Par cet objet, on peut identifier la caractéristique de profanisation du monde moderne. C'est parce que dans le monde moderne où les dieux ou les sacrés ont été incorporés dans le destin humain, il n'y a donc aucune distinction entre l’espace de quotidienneté universelle et le lieu exalté du sacré. L’indifférenciation, c’est une caractéristique essentielle du monde profanisé. L’objet exposé de l’indifférence de sacré-profane s'oppose à la profanation comme l’usage général du sacré. C’est parce que, malgré qu’il soit exhibé pour les spectateurs-touristes, il n’est toujours pas en usage général. À vrai dire, l’objet exposé n'est généralisé que visuellement. Cette généralisation visuelle démontre une caractéristique de l’improfanable produit de la profanisation moderniste.
Ocularcentralisme
La raison pour laquelle l’objet exposé peut exister comme objet profanisé est dû à l’ocularcentralisme moderniste. Ce centralisme visuel c’est l’idée que la connaissance visuelle a le privilège épistémologique en tirant parti de la vision sur d'autres sens. C’est une objectivation des objets par le truchement de sa puissance de la visualisation omnisciente. Dans ce contexte ocularcentralisé, on ne souligne pas seulement la partialité épistémologique, mais on étudie aussi la partialité psychologique qui tient d’une relation de pouvoir entre le regardeur et le regardé. On voit ce favoritisme par l’exemple d’une prison, Le Panoptique de Jeremy Bentham, philosophe utilitariste du 18ème siècle. Cette prison est un bâtiment circulaire composé de huit niveaux: un sous-sol, six étages et l’étage des combles. Les cellules sont disposées le long du mur extérieur et il y a un espace vide au centre du bâtiment. Dans ce vide, il y a une tour de surveillance. Les gardes à l'intérieur de la tour de guet surveillent les détenus dans les cellules. Il est prévu que le centre du bâtiment où se trouve la tour soit sombre. Cela empêche donc les personnes surveillées de voir le surveillant. En raison de cette conception sophistiquée, les détenus ne savent même pas si les gardes sont dans la tour de guet. Cela a pour effet que le surveillé reste dans l’état psychologique où : il présume qu’il est toujours et entièrement exposé au regard du surveillant.
Comme le corps et l'esprit de la personne surveillée sont complètement et en permanence exposés, cette personne est traitée comme un objet d'exposition pour l'œil du surveillant. En outre, comme le surveillé sait bien qu'il est toujours exposé, il se révèle en étant attentif au regard du surveillant. Le surveillé exposé s’exprime en s’objectivant lui-même, c’est-à-dire, il cache son visage et n’exhibe que ses faces. En conséquence, le surveillant qui regarde un tel objet-face peut ressentir une satisfaction omnisciente d'avoir un contrôle total sur le corps et l'esprit du surveillé exposé. Le touriste du Musée est comme ce surveillant. L’objet exposé, fragment de dieu mort et incorporé dans le destin humain est comme le surveillé. L’homme moderne ressent cette satisfaction omnisciente en observant cet objet dont le caractère sacré a été évacué. C'est le grand plaisir visuel du moderniste qui a réussi à profaniser le sacré. Dans le Musée démuni de l’opacité sacrée, l’objet exposé sans valeur sacrée se révèle en toute transparence. L’objet exposé n’exhibe que ses faces en étant attentif au regard du touriste. Le Musée est un temple dédié à la célébration de la victoire de la profanisation moderniste basée sur l’ocularcentralisme.
PROFANATION AMBIVALENTE
Profanation et rite culturel
Étymologiquement, la profanation est blasphématoire. C’est l’acte de souiller le sacré isolé par le contact humain. Le sacré est saccagé par la profanation, mais le sacré persiste toujours. D’ailleurs, la profanation d’Agamben, rend le sacré isolé en usage général (paragr. 1). Cette profanation se réfère à la recherche d’une possibilité de nouvel usage, mais le sacré persiste toujours en maintenant sa valeur. Sur la profanation, il faut souligner que la sacralité se maintient malgré la violation du sacré. La violation peut être commise individuellement, mais ce n’est pas l'objet de cet essai. Ici, on traite de la violation collective institutionnalisée. C’est le rite culturel, comme un exemple typique de ce type de violations. Les rites religieux sont toute transgression collective de l'approche du sacré. Ces transgressions s'expliquent par le totémisme comme la forme primitive de religion. Dans le totémisme, l'accès ou le contact avec le totem sacré est sévèrement interdit. De cette manière, le clan fait la distinction entre sacré et profane. Selon Durkheim, « tout un ensemble de rites a pour objet de réaliser cet état de séparation qui est essentiel » (p. 293). Il existe deux types de rites : les cultes négatif et positif. Dans le premier, il y a divers rites ascétiques: « ne pas toucher les tabous ». Dans le second, il y a le sacrifice, le rite mimétique et le commémoratif. Ces rites positifs sont tenus comme une célébration de l'excitation et de l'enthousiasme. D’autre part, il y a le rite piaculaire, comme rite positif, qui est effectué comme un rite de deuil dans la douleur et la colère. (Durkheim. p. 370-371).
En général, ces deux types de rites positifs ne sont pas pratiqués de façon clairement distincte. Dans le rite totémique, les caractéristiques de divers rites coexistent, particulièrement la célébration et le deuil. La raison pour laquelle ce trait contradictoire apparaît dans un rite totémique est due à l'ambiguïté du sacré. Dans le totémisme, des forces sacrées ne sont pas uniques (Durkheim. p. 387). Il y a une puissance bienfaisante et pure qui distribue ce qui est bénéfique au clan, alors qu'il y a aussi une puissance maléfique et impure qui nuit au clan. Alors que le rite sacrificiel exécute une transgression rituelle pour approcher le sacré positif de bonne puissance, le rite piaculaire conduit à une violation rituelle qui se rapproche du sacré néfaste de la mort.
Comme rite d’apprécier le sacré bienfaisant, il y a la cérémonie de l’Intichiuma qui est un bon exemple. L’Intichiuma est à l'origine un culte qui prie pour la prospérité des animaux ou des plantes totémiques. Lors de ce rite culturel, la plupart des clans totémiques mangent leurs propres animaux ou plantes totémiques, auxquels il est normalement interdit d'accéder ou même de toucher hors du temps rituel. Selon Durkheim, la raison pour laquelle ils consomment des plantes et des animaux totémiques est due à une croyance qu’on peut absorber la puissance sacrée. Après avoir absorbé la puissance totémique, le clan souhaite à nouveau la prospérité de la flore et de la faune sacrées. Par ce rite festif, la relation bilatérale entre le clan et le sacré bienfaisant est renforcée. Le point important ici est que l'interdiction d'accès au sacré, le tabou, est intentionnellement transgressée par la manducation rituelle. D'un autre côté, le rite piaculaire approchant le sacré malfaisant est un rite pour pleurer la perte d'une relique totémique. Lorsque la relique totémique d'un clan est perdue à cause d'un désastre ou d'une guerre suivie d’un arrêt de la prospérité de la flore et la faune totémiques, le clan considère la perte des reliques totémiques comme la cause de ce déclin, et même de la mort de membres du clan. Le rite piaculaire est organisé pour se venger de la mort qui cause une telle perte sociale et pour en pleurer les victimes. Le point important est qu'à travers le rite piaculaire, on approche du mal sacré de la mort. Le clan ne se détourne pas de la mort, mais, contre cette mort, il veut établir un nouvel ordre. Grâce à ce deuil, la relation bilatérale entre le clan et le sacré malfaisant est réinitialisée.
Le rite sacrificiel qui célèbre la prospérité par la bonté est opposé au rite piaculaire du deuil pour la perte par le mal. Cependant, soit bienfaisantes soit malfaisantes, ces forces convergent vers le sacré. De plus, qu'il s'agisse des rites sacrificiel ou piaculaire, les gens violent collectivement et intentionnellement l'interdiction d'accès au sacré. En résumé, les rites transgressifs contaminent le sacré. À cet égard, le rite est profane.
Ambivalence de la profanation
Les forces bienfaisantes et malfaisantes apparaissent sous la forme du sacré. Dans le concept du sacré, deux forces sacrées sont mélangées. Durkheim montre un exemple physiologique pour le mélange ambigu de ces deux forces contradictoires. Pour le clan Totem, le sang menstruel est un déversement inquiétant, mais en même temps, il est également utilisé comme ingrédient de base pour fabriquer des médicaments salutaires (Durkheim. p. 389). Le sang menstruel est une humeur ambiguë remplie de forces bienfaisantes et malfaisantes en même temps. Il s'agit de parmakon, qui est à la fois toxique, mais aussi médicamenteux. Cette coexistence ambiguë des forces opposées est définie comme l’ambivalence. Un excellent exemple de l’ambivalence se trouve dans la religion. C'est le sacrifice. L’animal totémique est à l'origine sacré. Cependant, pour le rite sacrificiel, cet animal endosse la responsabilité ou porte tous les péchés du peuple. Cet animal dont le péché a été transféré devient impur. Il est abattu en sacrifice et ses intestins sont dédiés aux dieux pour le rite. En outre, sa chair et son sang sont distribués aux gens. Le cadavre de l'offrande sacrificielle est dédié au sacré et en même temps offert pour le profane. C'est le concept de « sacrifice rituel » d’Hubert et Mauss (Girard. p. 13). Le sacrifice doit être contaminé pour être sacrifié au sacré. Autrement dit, il doit être profané. L'ambiguïté du sacrifice pénètre à travers le rite, la croyance et la communauté. À travers le rite du totem, la communauté blasphème et loue simultanément.
Sentiment ambivalent et animal totémique
Le culte totémique, où le tabou est délibérément insulté, est une expression religieuse de l'émotion ambivalente de l'humanité. Lorsque cette émotion est psychologisée, elle est intériorisée comme le sentiment ambivalent et révélé comme des attitudes ambivalentes (Freud. p. 50). C'est une expression du double sentiment des Fils primitifs envers le Père ancestral (Freud. p. 186), qui est un personnage anthropomorphique du sacré ambivalent. C'est une analogie phylogénétique pour expliquer l'ontogenèse du psychisme ambivalent du fils à propos de son père. Ce psychisme ambivalent est un état dans lequel coexistent des sentiments opposés d'affection et de haine, ou de respect et de mépris pour le père. Freud appelle la zoophobie clinique pour utiliser l’animal comme un substitut du père. À travers cela, il explique ethnographiquement que le Père primitif mythique est rené comme un animal totémique.
Le rite totémique est une représentation de sentiments ambivalents. Dans la nuit des temps, il y avait un Père ancestral qui monopolisait les femmes de sa tribu. Les Fils adultes voulaient s'enivrer avec elles, mais c'était impossible à cause d’une interdiction paternelle. Avec la force, ils se sont opposés au Père et l'ont tué. Ils ont mangé sa chair et bu son sang pour gagner sa force. Ils voulaient prendre les femmes qui avaient été libérées du monopole du Père. Cependant, les fils en pluriel ne pouvaient pas monopoliser les femmes comme le Père singulier. En effet, pour réaliser un monopole paternel, il faut s'entre-tuer jusqu'à ce qu'un seul reste. Alors ils ont fait une sorte de contrat. Les Fils interdisent les contacts sexuels avec les femmes du même clan. C’est l’origine de l’exogamie.
Le rite totémique est un culte ambivalent, de deuil du Père et de célébration de l’éloge de soi, pratiqué par les Fils qui ont créé ce nouvel ordre. Ce « deuil est suivi de la fête la plus bruyante et la plus joyeuse. Avec déchaînement de tous les instincts et acceptation de toutes les satisfactions » (Freud. p. 197). Comme mentionné précédemment, le rite totémique est un événement profané, mélange du culte sacrificiel et du rite piaculaire, c'est-à-dire, de deuil et de fêtes. L'ambivalence du rite totémique est basée sur le sentiment ambivalent: les Fils qui ont tué le Père se sont sentis coupables parce que, en tuant le Père ancestral, aucun des Fils ne pouvait satisfaire le désir d'inceste. « Était-il nécessaire de tuer le Père? » Ils ont ressenti un regret. D'un autre côté, ils étaient fiers d'avoir tué le Père et de gagner du pouvoir. Ils ont pu obtenir leur satisfaction sexuelle en échangeant les femmes du clan avec des femmes des autres clans. Il y avait un sentiment de satisfaction: « Nous avons bien tué notre Père! » Sur la base de ces sentiments ambivalents, ils ont fait du père comme un totem. Cependant, comme le cadavre du Père-totem ne pouvait pas continuer à fournir de la chair et du sang, il a donc été remplacé par un animal. Dans la vie de tous les jours, cet animal totémique était sacré. Toutefois, pendant le rite totémique, les descendants des Fils ont tué cet animal totémique. Ils ont consacré certains organes au Père ancestral, ou Dieu. Ils ont également consommé eux-mêmes le sang et la chair de cet animal. En faisant l’oblation divine et en même temps la patriphagie, les fils ont pleuré leur père et ils ont célébré la victoire du meurtre du Père ancestral.
Profanation et lieu
Le lieu où se déroule le rite totémique est également ambivalent. Ici, le sacré descend et le profane monte. Comme si le sentiment envers le Père ancestral est ambivalent, le rite totémique a aussi deux caractéristiques divergentes. Le premier est la transmission de la culpabilité dans le meurtre du Père ancestral. La seconde est une célébration fraternelle du meurtre du Père ancestral. Dans le rite totémique, le Père ancestral ou Dieu sous la forme d’un animal totémique, est vénéré et aussi blasphémé par les Fils. Cette offrande profanée est consacrée pour le rite profané dans le lieu profané. Le mot latin profanum signifie devant, pro-, lieu sacré ou sanctuaire, fanum. Le profanum se situe entre l’aire sacrée et le monde mondain. Il y a le profanum comme le profane entre le respect de l’interdiction et la transgression du tabou. Le profanum est comme une ouverture dans le mur opaque de l’isolement qui rend le sacré possible. C'est comme un seuil qui relie et distingue aussi le sacré et le profane. Dans cette zone de transition, le rite se déroule pour faire une offrande qui est à la fois sacrificielle et piaculaire. Cette offrande a pris les péchés humains, mais ils gardent aussi la force sacrée. Dans ce lieu, les hommes approchent du sacré et violent institutionnellement le tabou, mais le sacré demeure toujours: c’est le lieu profané. Ici, la divinité reste dans le monde, tandis que l'humanité monte vers le sacré. Ceci n’est pas différent de la définition de lieu par Heidegger: « le divin est un attribut essentiel du lieu qui rend possible l’habitat humain » (Han. p. 63).
PROFANISATION ARCHITECTURALE
Raison profanisée du modernisme
Le modernisme est une culture profanisée. Depuis ses racines, l'humanisme ou la science moderne, le modernisme était caractérisé par le rejet de la divinité. Dieu a été rejeté et la Raison a été admirée. Comme il évacue le sacré de son monde, le modernisme est profanisateur. Et alors, La Raison, « peut-elle être devenue un dieu du monde profanisé? » La Raison moderne qui cogitare est un esprit de soi déifié. Pourtant cet esprit ne peut pas vraiment être un dieu. En effet, l’humain ne peut pas exister uniquement en tant qu'esprit. L’homme est obligé de vivre sa vie de l’esprit, de l’âme, de l’intelligence, et surtout, de son propre corps. L’homme moderne pensait qu'un tel destin humain pouvait être surmonté par la suprématie de son esprit nouveau. Enfin, son esprit cogitant a pris la place de Dieu. Cependant, la Raison n'était pas devenue un dieu: il s'était assis sur le trône divin, mais il n'a pas été qualifié comme dieu. Pareillement, malgré les hommes modernes n'ont pas surmonté leur destin, ils célèbrent constamment leur victoire sur Dieu de manière illégale.
L’objet exposé est la relique du modernisme en tant que religion. On peut dire que cet objet est toujours contaminé parce qu'il est toujours exposé au regard de l’homme moderne. Aussi, pour le même objet, on peut dire qu'il n'est pas réellement contaminé parce qu'il n'est pas exposé aux touches de l’homme moderne. Contrairement aux Fils du clan qui offrent des sacrifices profanés au totem, les fils du modernisme consacrent l’improfanable à la Raison déifiée. Les hommes modernes qui croient posséder l'esprit qui est l’équivalent de Dieu n’effectuent que le rite sacrificiel pour célébrer la victoire filiale. Comme ils ne se sentent pas coupables du meurtre du Dieu, le rite piaculaire n’a pas de sens pour eux. Le rite moderne se déroule dans le Musée, le Temple profanisé. On n'a pas besoin de sacrifice incarné comme l’animal totémique pour ce rite. C'est parce que la Raison déifiée qui reçoit l’offrande n’est qu’une projection de l’esprit de l’homme moderne. La Raison divine du modernisme est l'esprit psychologisé des fils cogitants qui ont usurpé le pouvoir du Père ancestral.
Rationnel en architecture moderniste
« Moderniser l’architecture » est différent de « Faire l’architecture moderne ». Le rationalisme était l'idéologie de l'architecture moderne. Le discours architectural de l’époque moderne a poursuivi ce qui est rationnel pour assurer la modernité architecturale. L’architecture fonctionnaliste-rationaliste est un fruit de cette rationalisation. D'un autre côté, l'expressionnisme et l'organicisme, qui sont apparus à la même époque, ont été chassés du discours de l'architecture moderne à cause de l’échec d’une autoidentification comme architecture moderne. Il est nécessaire de noter que les diverses tentatives pour « Moderniser l’architecture » sont devenues « Faire architecture moderne » : le rationnel qui était un moyen de moderniser l'architecture devient le but de l’architecture. C'est une profanisation moderniste en architecture. Dans le processus de cette profanisation, le moyen architectural, le rationnel est capturé par le dispositif idéologique du modernisme et déposé dans une sphère où les moyens sont est intervertis quant au but. Cette sphère est la fonction, le concept qui réduit les activités humaines en une seule échelle de mesure. « Rationaliser l’architecture », pour assurer la modernité, est interverti en « Faire l’architecture rationnelle ».
La rationalité, comme le but de l'architecture moderne, n'est pas un simple but. Elle en vient à avoir une certaine divinité. La rationalité divine a son origine dans la Raison déifiée moderne. La Raison ayant pris la place de Dieu se manifeste de manière moderniste dans le monde. De même, lorsque le rationnel se manifeste architecturalement, l'architecture se transforme en une architecture fonctionnaliste-rationaliste. La rationalité fonctionnelle est comme une théophanie architecturale de la Raison moderne.
Le Musée est le lieu où réside la rationalité munie de la divinité. C’est le temple profanisé. Comme on raisonne sur la relation entre le sacré et le profane à travers la topologie architecturale de fanum et profanum dans le Temple, on peut comprendre où se trouve la rationalité architecturale en raisonnant sur la forme topologique de l’exposition du Musée. Tout comme le sacré l'est dans l’objet sacré, la rationalité en architecture est attribuée à l’objet exposé. Également, tout comme le fanum, où se trouve la relique, est le lieu sacré, le socle sur lequel l’objet exposé est placé est un sanctuaire profanisé. Tout ce que les touristes du musée, les gens modernes, regardent est l’objet exposé rempli de la Raison. À cet égard, on peut définir l'architecture rationaliste comme religion, pour vénérer le Rationnel.
L’objet exposé en tant que le profanisé
Bien que les tentatives des humains d'approcher le sacré aient été rituellement systématisées, il y a toujours des risques. Il faut toujours l’affect courageux, thymos, qui prend les risques d'une violation. Cependant, la profanisation rationaliste est indifférente au sacré. C’est parce que le sacré a été nié et le rite a été dissous. Dans cette situation où le sacré est évacué, seule le désir impulsif, épithymia, stimule l’envie de plaisir. L’homme moderne n'a pas de thymos d'oser toucher l’objet sacré. Or, ils regardent simplement les objets exposés dans le Musée. Au lieu des initiations ressourcées d’une décision de transgresser l’interdit de tabou, on ne trouve, dans le Musée, que les désirs voyeuriste et exhibitionniste.
Byung-Chul Han insiste sur le fait que l’objet exposé a perdu sa valeur rituelle et qu’il est rempli de valeur d'exposition (p 62-63). Cependant, en réalité, ce n'est pas l’objet exposé qui a perdu sa valeur rituelle. C’est parce que ce qui est devenu objet exposé par profanisation était l’objet sacré qui n’avait pas de valeur rituelle à l’origine. Dans le lieu sacré où se trouve la relique, aucune histoire humaine n'était gravée. Les activités des hommes pour le sacré se faisaient dans le lieu profané, profanum. Le rite était organisé ici tout en offrant des offrandes profanées. Alors ce qui a perdu la valeur rituelle n’est pas l’objet sacré, mais l’offrande. L’objet exposé est la relique de la religion rationaliste pleine de valeur d’exposition. Cet objet n’avait pas de valeur rituelle à son origine. La relique a été exposée lors de sa profanisation, et en conséquence, elle n'était remplie que de valeur d'exposition. En effet, chaque face de l'objet exposé est complètement exhibée à l'œil moderne. La situation profanisée dans laquelle tout est toujours montré est de la pornographie de scopophilie. Ce qui est perdu dans l’objet exposé du Musée, c'est le visage érotique de la relique qui était isolée par le tabou ou qui était révélée par la transgression.
Enveloppe en tant que le lieu profanisé
Le lieu profané où on offre l’offrande devient le lieu profanisé par la profanisation moderniste. Pour que toutes les faces de l'objet exposé soient visibles, ce lieu profanisé doit être complètement transparent. « Dans quelle apparence apparaît-il architecturalement le lieu profanisé? » On peut trouver aussi une réponse dans la forme topographique de l'exposition du Musée. Comme le lieu profané se trouve entre la sphère de Dieu où il y a la relique et l’aire de l’être humain, le lieu profanisé, qui doit permettre une exposition visuelle de la relique profanisée et une séparation de cet objet exposé des touristes, se situe entre l’endroit de l’objet exposé et l’aire des touristes, c’est-à-dire entre la vitrine et la zone de visite.
La vitre de la vitrine satisfait la condition nécessaire du lieu profanisé. Lorsque ce type de cloison transparente est appliqué en architecture, on l’appelle l’enveloppe transparente. Elle s’appelle l’enveloppe dans l’architecture moderniste. C’est un élément important de l'architecture moderniste. L'architecture moderniste accordait de l'importance au plan qui permet de réaliser la fonction: « Le plan est le générateur. Sans plan, il y a désordre, arbitraire » (Le Corbusier. 1923). Lorsque le plan se traduit en trois dimensions, il devient un volume dont l’équivalent architectural est l’espace. Un collectif des surfaces qui entourent l’espace est l’enveloppe. Par l’ordre moderniste en architecture, la façade constituée des enveloppes devait être honnêtement traduite dans le plan. L’éthique moderne en architecture aurait dû être achevée par la façade transparente qui expose son espace intérieur.
Cependant, cette enveloppe n'était pas suffisamment fonctionnelle pour la façade honnête. « L’architecture occidentale est partie de l’hypothèse humaniste selon laquelle il est souhaitable d’établir un lien moral entre les deux, le dehors laissant filtrer sur le monde du dedans certaines révélations que le dedans va corroborer. La façade « honnête » parle des activités qu’elle dissimule. Mais, mathématiquement, si le volume intérieur des objets tridimensionnels augmente selon une progression au cube, l’enveloppe qui les renferme n’augmente que selon une progression au carré ; le décalage entre le volume de l’activité intérieur et la surface extérieure correspondante ne cesse donc de croître » (Koolhaas. p. 100). En conséquence, la façade transparente, qui doit honnêtement exposer le plan, est destinée à révéler son intérieur volumique sous un aspect excessif.
Les bâtiments prémodernes avaient un plan limité en raison du poids des murs. Néanmoins, les murs du bâtiment révèlent l'identité sociale, politique ou économique de l’édifice. Par exemple, des histoires de Dieu et des Saints sculptés à l'intérieur et à l'extérieur des murs d’une cathédrale ont rendu possible pour l'architecture d’avoir une narrativité religieuse. Par contre, l'enveloppe de l'architecture moderniste n'a aucun pouvoir d'intervenir dans l’imagination narrative, die narrative Einbuildung, du bâtiment. Lorsque la façade moderniste a dépassé le point critique de l’expression, elle est séparée du plan et enfin ne traduit plus les activités humaines à l’intérieur du bâtiment. Il est évident que le bâtiment, avec la façade qui a perdu sa narrativité humaine, ne puisse pas parler de la prose du monde. L’enveloppe ne peut exprimer autre chose que son identité moderniste.
Le lieu profané est le lieu où un habitat pour l’ensemble du divin et de l’humain est possible (Han, 2012, p. 63). Par exemple, les parois des murs de la cathédrale sont un lieu plein de narrativité de la croyance religieuse, et les façades sont également un lieu plein de narrativité communautaire de la religion. Les murs de la cathédrale sont le lieu profané où le sacré et le profane coexistent. Par contre, dans le projet de la ville radieuse de Le Corbusier, les tours de bureaux sont entourées de l’enveloppe transparente. Par la transparence, il tente de montrer l'activité représentative du modernisme, le travail. Cependant, cette enveloppe qui veut montrer « tout » ne montre rien. Par l’apparence de bâtiment, on n’aura aucune information architecturale : rien qu’en regardant l’extérieur, on ne sait pas si un bâtiment est un hôpital, un musée ou un grand magasin. C’est une tragédie du lieu profané qui est devenu l’enveloppe transparente par la profanisation architecturale.
Offrande totémique profanisé
L'espace architectural est comme une offrande totémique profanisé. Les Fils de totem et leurs descendants ont préparé des offrandes totémiques dans le lieu profané, profanum. Pour le rite totémique qui est sacrificiel et piaculaire, l'animal victime a été tué et son ventre a été coupé. Les intestins ont été enlevés pour le Père ancestral. Plus tard, les offrandes d'animaux ont également été remplacées par des offrandes de céréales. Selon Frazer, cette offrande est pour l'esprit des céréales en tant qu'animal (p. 423), mais elle jouait toujours le rôle d’animal. De plus, les descendants des Fils ont offert une simple fumée comme offrande. C’est l’encensement. Par le parfume de l’odeur de fumée, le Dieu-Père prend l’offrande. D’ailleurs, les Fils ont pris le sang et la chair de l’animal. Ceux-ci sont devenus du pain et du vin.
L’animal totémique conserve son caractère ambivalent malgré leur diversité d'existence. En d'autres termes, il a à la fois le sacré et le profane, de sorte qu'il peut être offert à la fois à Dieu et aux humains en même temps. En effet, l’offrande totémique est l’objet profané. Les fils modernes ont tué les dieux qui mangeaient des intestins, consommaient des céréales ou goûtaient des saveurs. À la place de ce Père, ils ont placé la Raison qui est l'esprit projeté de soi-même. Bien, « quelle est une offrande des fils modernes à la Raison? » C’est peut-être plus immatériel que l’intestin, la céréale ou la fumée, car le modernisme est un culte qui valorise l’esprit immatériel et néglige le corps matériel. On peut en trouver dans la forme topographique de l’exposition du Musée.
L’animal totémique placée dans le lieu profané est l’offrande ambivalente pour Dieu et hommes. Cette offrande est pour le rite basé sur l'ambivalence envers le Père ancestral. Par contre, les fils du modernisme qui n'ont pas de sentiment ambivalent apprécient simplement leurs auto félicitations pour le meurtre de Dieu. L’offrande qu'ils préparent pour la Raison déifiée est l’offrande sacrificielle sans le concept d'expiation. La Raison moderniste réside dans l’objet exposé profanisé. Selon la mécanique de la profanisation, les gens modernes pratiquent le rite, pour exhiber l’objet exposé au regard omniscient, à tout moment et n’importe où. Cette exposition est rendue possible par l’enveloppe transparente de la vitrine qui est la forme profanisé du lieu. Comme si l’offrande de totem était déposée sur une démarcation de deux lieux, c’est-à-dire, sur la zone entre le lieu profané et le lieu sacré, Il y a l’offrande sacrificielle, offerte par les hommes modernes, entre l’enveloppe transparent et le stand sur lequel les objets exposés sont placés.
En général, le rôle essentiel de l'architecture est de diviser le dedans et le dehors en formant une frontière physique. Le dedans est une zone qui protège les humains de sa nature et rend la vie possible. C’est le concept de l’architecture en tant qu’abri. En effet, le vide de ce « dedans » peut être dit comme l'espace auquel l'architecture se réfère. Ceci est l'espace en tant que récepteur des fonctions de l'architecture rationaliste. À l’origine, selon la philosophie de Kant, l’espace, qui ne peut être ni touché ni vu est une des deux formes de l’intuition sensible sur le phénomène. Ce cadre pour intuitionner le monde apparu est devenu, par la modernisation architecturale, un objet architectural, c’est l’espace immatériel en architecture. Maintenant on revoit la vitrine dans le Musée. Il y a l’objet exposé dans la vitrine et des touristes autour. On perçoit un vide immatériel entre le stand dans la vitrine et ses vitres transparentes. À travers la transparence et l’immatérialité, le regard des hommes modernes atteint les faces de l’objet exposé. Par une traduction architecturale, on dit qu’il y a l’espace architectural immatériel entre le Rationnel en tant que divinité architecturale et l’enveloppe transparent comme le profanisé du lieu.
Par une nouvelle interprétation sur la profanisation et la profanation, on a découvert que l’architecture rationaliste est la religion profanisée. Sur cette base, on a précisé que l’enveloppe transparente de l’architecture rationaliste est le profanisé du lieu et que l'espace architectural prend la position de l’offrande totémique dans la religion de l'architecture moderniste. En effet, l’espace architectural dédié au Rationnel, la théophanie architecturale de la Raison qui a usurpé le Dieu-Père, est l’offrande sacrificielle par l'architecture rationaliste en tant que Fils pour le rite moderniste. L'architecture rationaliste tente d’identifier sa modernité en créant l’espace architectural.
CONCLUSION
Dans l'architecture rationaliste centrée sur l'espace, le lieu n’est pas simplement abandonné. Il a été transformé en enveloppe transparente par la profanisation. C’est-à-dire, le lieu était piégé sous la forme de la rationalité architecturale. Le génie du lieu, genius loci, est devenu une rétine transparente de la rationalité architecturale. Cet essai a tenté de trouver l'identité de l'espace architectural. On l’a fait formellement. Tout d'abord, cet essai supposait que le Rationnel en architecture rationaliste était une théophanie architecturale de la Raison moderne qui a pris la place de Dieu. Ensuite, on a comparé le Temple et le Musée sur la base des concepts de profanation et profanisation. Puis, en analysant la forme topologique de l’exposition du Musée pour l’objet exposé, on a confirmé que l'architecture rationaliste est une religion qui vénère le Rationnel. Par la profanisation de cette religion architecturale, le lieu est devenu l'enveloppe transparente et l'offrande totémique est devenue l'espace architectural.
Nous avons maintenant un nouveau cadre de perception de l'architecture rationaliste. Selon un point de vue sociologique, particulièrement de Durkheim, les institutions sociales ne trouvent pas leur origine dans une idéologie conceptuelle, mais dans une société vivante de la communauté de personnes. Par exemple, le concept ou le système de Loi est appliqué par des juristes, des juges, des procureurs et des avocats. Réciproquement, ils se voient garantir leur position et leur rôle dans la société par la Loi. C'est comme la relation entre le clan et le totem: le clan obtient le pouvoir divin du totem pour faire prospérer leur clan; le totem renforce encore sa puissance en étant adoré par le clan. D’ailleurs, le point de vue anthropologique considère également que les institutions sociales sont une représentation extensive de l’être humain comme membre de communauté. Françoise Héritier, dans « Le corps dans le corset du sens », voit que les institutions sociales s'incarnent à travers une extension conceptuelle des corps et affect humains. Lorsque les humains nouent des relations sociales, en particulier des parentés basées sur des relations sexuelles, le corps recherche un sang différent pour les rapports sexuels afin d'éviter des risques génétiques; au contraire, l’affect recherche un sang familier pour sa stabilité émotionnelle. Les humains ont une nature de s’équilibrer entre les deux en gardant la valence sexuelle. Héritier a révélé l'extension sociale de l’être humain avec cette nature dans la parenté de la tribu de Samo. Sous ces angles sociologique et anthropologique, on peut dire que l’institution sociale est la réalisation de l'existence humaine dans une autre dimension.
L'architecture est aussi une institution sociale. L'architecture est une extension conceptuelle de l’être humain. La difficulté en architecture est que les bâtisseurs, architectes pour l’aujourd'hui, ne peuvent pas représenter directement l'architecture en tant qu’institution sociale. À la différence des sacrificateurs totémiques entre le totem et le clan ou des juristes entre la loi et la communauté, en architecture, c'est le bâtiment qui se situe entre l'architecture et la société. Ici, nous faisons face aux défis de Poesis. Pour surmonter cette difficulté et procéder à l'interprétation et à la création en même temps, il faut trouver un détour. C’est la personnification du bâtiment. Tout d’abord, il est nécessaire de clarifier la différence entre l’anthropomorphisme et la personnification. L’anthropomorphisme humanise les institutions en tant qu’idéal pour les comprendre et les utiliser. Dans l'architecture fonctionnelle-rationaliste, par exemple, la rationalité fonctionnelle est un idéal architectural. Afin de réaliser architecturalement cet idéal, les architectes modernistes ont réduit les diverses activités corporelles des humaines en fonctions : c’est un anthropomorphisme architectural. Cependant, la personnification est une humanisation d'une forme, d'un style ou d'une entité en architecture. Grâce à la personnification, l'architecture en tant qu'être humain peut avoir des relations avec d'autres entités architecturale et urbaine ainsi que des entités conceptuelle et institutionnelle par son corps affectif. Par cette mise en relation, on peut avoir un nouveau cadre d'interprétation de l'architecture en tant qu'institution sociale.
Cet essai pose les questions suivantes pour de prochaines études. Si nous revoyons, au point de vue de personnification, l'architecture rationaliste comme totémisme, nous pouvons voir facilement que celui qui reçoit le rite totémique est le Rationnel architectural, théophanie architecturale du Père ancestral. Si tel est le cas, nous pouvons voir aussi que le sujet de ce rite est « Architecture rationaliste » en tant que fils. Alors, à la lumière de la relation entre le « Père - Raison - Rationnel architectural » et l’architecture rationaliste, on peut également interpréter la relation entre la « Mère - Nature - Non-rationnel architectural » et l’architecture rationaliste. De cette manière, en positionnant l’architecture personnifiée entre deux pôles puissants, civilisation et nature, ou Raison et Nature dans le contexte moderne, nous pourrons procréer un savoir situé dans l’architecture. Par exemple, nous pouvons poser une question critique sur les tentatives des architectes rationalistes d'objectiver la nature : « Pourquoi et comment l'architecture moderniste a-t-elle coopté et occupé la nature? » À cela, nous pouvons donner une réponse, en nous appuyant sur l'interprétation de Jean-Joseph Goux sur le fillarcat en relation de Mère-Fils dans le mythe d'Œdipe, car l'architecture rationaliste personnifiée a son identité filiale. Ensuite, nous pouvons continuer ce récit en posant des questions : « Qu'est-ce que l'architecture en tant que fille? » ; « Quelles relations peut-elle avoir avec la Raison et avec la Nature? » Probablement, l’architecture-fille est l’architecture dite non-rationnelle comme organisme, naturalisme, expressionnisme en architecture. On peut supposer également que ces architectures-filles étaient une tentative de « Moderniser l'architecture », mais elles ont été marginalisées dans les discours architecturaux par le slogan rationaliste : « Faire de l'architecture moderne ».
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